
Charles MELANT
Compositeur de Musique bruxellois
Travailleur infatigable, il accomplit un surprenant labeur, ne s’accordant que peu de repos. Il y avait en lui une si constante jeunesse, un si bel amour de la vie, et une telle énergie de production qu’il semblait animé d’une force vitale longue à devoir s’épuiser. Toute sa vie, il aima la musique et son art lui rendit ce culte attentif en lui gardant une inspiration toujours aisée, aimable et diverse. Il ne lui aura manqué, pour atteindre, la grande notoriété artistique, que de le vouloir : mais il n’accepta jamais les compromissions de trop d’écoles ; il ne tenta aucune des démarches auxquelles s’astreignent les candidats aux succès de foule. Toujours, il fut celui qui composa pour le plaisir unique de créer une œuvre. On a voulu faire de lui un véritable amateur, comme si ce mot contenait la moindre critique, comme si l’artiste, qui ne travaille qu’à son heure et non sous l’impulsion d’une nécessité matérielle, ne pouvait concevoir une œuvre aussi parfaitement belle que celui que pousse la contrainte, qui assimilerait alors l’art à un métier.
Exubérant, joyeux, plein d’avenante santé, grivois, aimable, élégant, d’abord facile et de charmante compagnie, il a incarné le «vrai musicien » de chez nous. L’accueil chaleureux qu’il trouva auprès du grand public des universités populaires, le succès qu’il rencontra en tous lieux, le prouvent à merveille.
Sa musique avait la gaieté primesautière du Wallon, le naturisme sincère du Flamand, tout à la fois, et les poètes « belges » ne pouvaient pas trouver meilleur « rhapsode ». Il incarna une vivante expression des aspirations musicales de la nation Belgique.
Il était très aimé dans le monde artistique : cœur généreux, esprit alerte, artiste convaincu.
En 1881, il épousa, à l’église Notre Dame des Champs à Paris, Mlle Jeanne Pascal, fille de Mr Pascal, architecte, l’un des collaborateurs de la restauration des Tuileries. Un Salutaris, composé par Charles Mélant, fut été chanté par M. Morère, de l’opéra. La cérémonie terminée, les invités se sont rendus à l’Hôtel Continental. Cette note figure dans le journal Le Figaro de l’époque et cite « Mr Mélant, compositeur belge, très distingué ».
En deuxième noce, il épousa, Aline Picard, qui sera en plus d’être la compagne de sa vie, une collaboratrice fidèle autant qu’autorisée en matière musicale, Mme Mélant, fille d’Albert Picard, président du Conseil Provincial de Brabant, fit des études très complètes avec le maître Emile Mathieu, directeur du Conservatoire de Gand, et eut comme professeur de piano M. Paul d’Hooghe, de l’Académie de Musique de Louvain. Elle s’est, en outre, acquis une réputation dans la presse artistique et littéraire sou le pseudonyme de Severa Corelli. Elle inspira, soutint, vivifia le talent de son mari, elle le parfuma de tout ce qu’une sensibilité féminine, exquise et compréhensive peut ajouter à l’œuvre d’un musicien remarquablement doué.
Mr Mélant fut un homme heureux. Comment ? Par le seul moyen propre à réaliser le bonheur par la bonté. Rien qu’à voir Mr Mélant, sa physionomie ouverte, mobile, charmante, rien qu’à l’entendre parler ou rire, on devinait celui qui est bien avec lui-même. Heureux, il le fut toujours, sa nature robuste et saine, la nature de son caractère jovial, de son esprit vif, spontané, enthousiaste, la nature de son talent si aimable et si vivant l’y prédisposaient. Il eut aussi les privilèges de l’argent qui affranchit l’artiste. Le bonheur, est profond, secret, intérieur, quand on le possède, celui tient de nous-même, de nous seuls, et réside dans le palais mystérieux de notre conscience et de notre âme. Nul ne saurait être positivement ni parfaitement heureux s’il ne pratique pas la bonté. Mélant la pratiquait, nous pourrions en citer cent exemples. Sa première comme sa dernière œuvre musicale furent des œuvres de charité.
Lui, qui ignorait les soucis matériels, la difficulté du « struggle for life », il multipliait les tentatives de solidarité ; il s’efforçait à découvrir, à instituer, le meilleur organisme capable d’assurer le sort, de garantir l’âge mûr et la vieillesse des musiciens pauvres.
L’ exercice habituel de la bonté enchanta sa vie et la rendit féconde et belle. Son talent lui-même se ressentit de cette noble qualité ; il eut ce talent clair, sympathique, harmonieux, plein de sève, plein de fraîcheur, et de jeunesse, même pour les œuvres de l’âge mûr. C’est que ceux qui sont bons ne vieillissent pas, ils conservent jusqu’à leur dernier souffle les vertus de foi, d’espérance, d’altruisme, d’optimisme qui nous gardent à jamais des cruautés de l’amertume. Aussi leur mémoire ne saurait périr car la félicité est chose extraordinaire et on n’oublie pas les rares élus qui, ayant eu la chance d’en jouir, eurent la charité de vouloir en faire profiter les autres.
Il fit construire le Château de Rochefort où il résida une série d'années, puis habitat une maison de maître rue des Champs Elysées à Ixelles, avec sa deuxième femme, avec laquelle il partait six mois par an au Château de Hünenberg, près de Lucerne en Suisse. C'est d'ailleurs lors d'un de ses voyages que leur fils unique, Albert Mélant, naquit en 19 . A Bruxelles, Charles aimait se rendre au Café de l’Horloge, Porte de Namur, où il retrouvait des amis, et à qui il remontait le moral par sa joie de vivre et ses bonnes paroles lors de la guerre notamment vers la fin de sa vie.
Sources : "Musiciens belges : Charles Mélant" Mercure musical, 5 août 1909, René Lyr
Texte d'un anonyme, certainement ami du compositeur